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Livre témoignage, documentaire à partir d'un vécu. Jeune française partie à Tunis, non pas pour jouir du climat ou de soins mais pour participer (comme Femen) à une manifestation, suite au printemps arabe, pour soutenir la cause féministe. Elle sera emprisonnée aussitôt manu militari à la Manouba, peuplée de femmes rebelles pour des motifs divers, dénoncées souvent, criminelles parfois. Les jugements sont précipités et impérieux parce que dans les mains des hommes, exécutés dans l'esprit du patriarcat le plus absolu, dictés par la loi coranique. Les pages de P. Hillier retracent par le menu cette expérience hasardeuse, dangereuse et pourtant tellement attachante où chaque destin féminin des Warda, Hafida, Lina, Samira, La Fuite et tant d'autres qui subissent les quatre murs de la Cellule D ou celles qui dirigent comme La Cabrane, interpelle par sa blessure, sa noirceur, son sort contraire et déjà captif bien avant l'emprisonnement lui-même. La vie est alors à réapprendre, à apprivoiser et à défendre. " Je suis un nouveau-né dans un nouveau monde où les codes m"échappent". Cette rude réalité où se mêlent innocence, roublardise, ingéniosité, hostilité, violence, amitié, se lit avec passion et un désir d'insoumission devant ces lois ancestrales qui s'incrustent voire se développent. Elle incite fortement à la réflexion sur l'inestimable Liberté. Hommage vibrant à toutes ces femmes de l'ombre. La sororité en sort grandie. "J'ai compris aussi que de ces douleurs sourdes naîtra un beau jour la révolte flamboyante qui renversera le monde". Optimiste peut-être, mais au moins pour elle, la vie ne sera plus comme avant! ("Les Contemplées" en écho des "Contemplations", livre de chevet de la protagoniste).

Qu'ajouter pour évoquer le contenu de ce livre qui confesse le viol d'un jeune beau-père sur la fillette de sa compagne? Pendant 7 ans, jusqu'à l'adolescence il a absorbé, mystifié, terrorisé, abîmé la vie de cet enfant avec sa toute puissance d'adulte démoniaque, perverti et affabulateur. Neige Sinno tente après plus de vingt ans de regarder le passé et de le mettre en mots. "J'ai du mal à être sûre que j'existe". Le parti pris est souvent littéraire avec des allusions-témoignages d'autres auteurs C. Angot, Despentes, C. Kouchner ou la vision cynique d'un Nabokov. Peut-être aussi parce que les écrits restent, dit-on. Le récit se divise en 36 sous-chapitres qui se voudraient ordonner les idées pour une parfaite lucidité sur les abus, la responsabilité, l'analyse après le procès, la condamnation, les effets difficilement délébiles sur une vie de jeune femme et de mère et cependant il est redite. Cette redondance est due imperturbablement à des souvenirs-images qui explosent à l'esprit comme si la liste des meurtrissures abjectes n'était jamais exhaustive. Bien plutôt triste sire que triste tigre dont l'omnipotence est essentiellement lâcheté. Mais ce qui est terrifiant au-delà du contenu de son propre récit qui n'est pas fictionnel, c'est qu'il est hélas éminemment fréquent puisqu'une Commission gouvernementale officielle évalue à 438 enfants touchés journellement par les violences sexuelles en France. Si le regard de la société et de la justice évolue, l'homme (ou la femme, rarement mais parfois), demeure avec sa soif de domination amorale jusqu'à la cruauté, de libido et de perversions diverses. Est-il incongru toutefois de se demander pourquoi des jeunes gens, en l’occurrence des lycéens pour lesquels une insouciance toute relative devrait les inspirer, ont choisi sur une liste d'autres romans certainement plus légers, celui-ci et sa thématique accablante?

Livre singulier par sa mise en page, l'écriture et certains personnages . La situation familiale est parfaitement exposée dans le résumé qui précède. Trois parties dont la première est une suite systématique d'interventions de la mère et du père d'Isor, chacun d'une sensibilité et d'une réactivité dissemblables devant une enfant différente, mutique, excessive, qui les éloigne des amis et de la famille. Bien qu'englués ensemble dans le désarroi, la souffrance et la quête d'un miracle scientifique, Maude restera jusqu'à la conclusion la mère aimante, patiente, maternante. Camillio, le père fluctuera au-delà de son amour, entre tentatives multiples pour une évolution d'Isor, lâcher prise et colère. La seconde partie, d'une écriture fouillée et d'une profondeur détonnante, illustre la rencontre improbable mais surtout constructive d'un mystérieux voisin septuagénaire, Lucien et de l'adolescente. Chacun y trouvera sa raison d'exister et d'espérer peut-être au grand dam de Camillio, surtout . Pourquoi un étranger réussit-il, là où la famille ne progresse pas? Quant à la troisième partie, elle est révélation à la vie, d'Isor. Hymne à la découverte, aux rencontres, à la poésie et à la joie. La situation sensible, déstabilisante, dramatique pour la famille, presque coupable au regard de la société n'est hélas pas unique et en ce sens Alice Renard implique le lecteur dans la souffrance ou la joie des protagonistes. C'est peut-être l'écart de ton entre les trois parties qui désoriente. A-t-elle voulu rendre hommage à un ancien (G-P., autre parent, connaissance?), honorer la génération précédente avec ses valeurs? Ou insister sur ce que notre société n'accepte pas : la différence?

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