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couverture de : Ta promesse
Danièle M le Vendredi 28-03-2025
Claire Lancel, écrivaine reconnue, séparée d'un mari possessif Julien , rencontre un marionnettiste, Gilles Tabian, également en voie de séparation de son épouse Violetta. Un lien amoureux naît rapidement. Le contexte familial n'est pas superflu. Claire évoque ses parents avec quelque mystère et un relationnel plutôt aimant. Elle a une fille adolescente, Alice et a perdu un enfant Bastian. Gilles, revient régulièrement sur une enfance plutôt nécessiteuse et une relation conflictuelle à la mère. Il a un garçon et une fille. Très vite ils emménagent ensemble, chez lui, avant l'achat d'une maison à Hyères et une expatriation partielle à Toronto pour des raisons de spectacles de marionnettes de glaces à monter. Peu à peu s'installe une situation de dominant à dominée concernant le relationnel avec les familles respectives, les amis, le milieu professionnel et surtout la position de l'un et l'autre dans leur fonction et l'aura projetée ou pas. Les insinuations, les paroles blessantes, les reproches jusqu'à l'affront fusent de la part de Gilles, assortis souvent ou plutôt presque aussitôt "gommés" par des aveux d'amour-toujours et du sexe. Dès le début, Claire réagit par le laisser-dire, le calme, l'humour, la soumission puis le pardon. Ses amies et confidentes, Carole et Émilie, clairvoyantes ne manqueront pas d'exprimer leur ressenti, mais en vain. L'élément déclencheur, plus convainquant car tellement éclairant, sera l'installation de Gilles au Canada où sa perversité s'illustrera encore davantage du fait de sa reconnaissance dans le monde du spectacle vivant, de rencontres, d'opportunité féminine et surtout de son éloignement de Paris qui encourage sa lâcheté à avouer. Le mécanisme du pervers narcissique ne semble pas étranger à Camille Laurens. Autofiction ou création romanesque ? Elle en connaît parfaitement les rouages toujours semblables, la passivité ou la naïveté de la personne prise dans les filets. L'issue n'est pas vraiment singulière, elle est même volontairement attendue ici dès le départ. Mais peut-être pousse-t-elle la malignité de Gilles à l'extrême puisque plongé dans "l'amnésie"? Les développements sur la Maladie de Nark, le raisonnement jusqu'à la dystopie, la répartition prévisible des témoins, le tiroir secret, le chapitre Portrait-robot ne rallongent-ils pas un épilogue qu'un lecteur entendu connaissait déjà ? N'enlève-t-il pas de la force aux circonstances avilissantes? Ou alors serait-ce un exutoire jubilatoire s'il s'agit d'un récit autofictionnel ?
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Danièle M le Dimanche 16-02-2025
Large panorama historique et culturel de la Hollande du XVII° siècle, dressé par Rosalind Laker, autour de peintres tels Rembrandt et Vermeer. L'auteur avec force détails et passion évidente pour cet art, nous fait pénétrer dans l'intimité de ces deux éminents représentants de la peinture flamande à travers leur méthode, leurs commandes et l'environnement de leur famille. Les directives de la Guilde des peintres, le choix des médiums, la préparation des couleurs, leur achat et les conditions aléatoires du succès nous entraînent parfois sur des chemins piégeux et rédhibitoires. Quant aux sujets traités dans les ateliers, ils se détournent du religieux, pour laisser place aux portraits et aux scènes de genre. La société d'alors, sur fond brumeux d'Amsterdam, nous confirme que, au-delà de ce monde passablement privilégié, de l'insécurité, des violences de rue ou des intrigues attenantes à la réussite ou à la faillite, ou simplement des rivalités entre citoyens, la nature humaine reste perfectible. Les femmes, à travers, Anna, ses filles et particulièrement Francesca Viser ont une place centrale, qui sonne déjà le chemin vers une certaine indépendance. L'amour, l'amour contrarié ou dirigé sera également l'un des moteurs du récit et ouvrira notre vision vers une autre richesse hollandaise : les tulipes, d'où le titre. L'écrivaine a ajouté à cette page qui a fait la renommée de ce pays, l'espionnage, la diplomatie dont le conflit éponyme avec la France de Louis XIV, dans la construction stratégique et défensive d'écluses. Un peu dans la veine d'Arturo Perez-Reverde avec "Le tableau du Maître", ou plus précisément de S. Van der Vlugt :" Le bleu de Delt" ou encore dans le même esprit que L. de Recondo avec "Le grand feu", tourné vers Venise et Vivaldi, elle déroule avec une écriture ciselée, une fresque fournie, documentée et convaincante du siècle d'or de la peinture flamande, mais aussi de sa domination désormais économique après s'être libérée du joug espagnol.
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couverture de : Offenses
Danièle M le Vendredi 06-12-2024
C. Debré a fait de sa vie la matière de ses précédents romans : ses relations homme-femme, père-mère enfant, cet enfer, ses fuites permanentes, le dénuement de ses conditions de vie dignes d'un ermite, cette discipline humaine et contextuelle qu'elle s'impose pour gagner en liberté. Dans cette dernière œuvre elle s'extrait de son propre personnage pour regarder du côté des cabossés de la vie, des damnés à perpétuité par la génétique physiologique et sociale, les paumés qui tentent de s'inventer une existence dans la haine, la violence, le vol, les substances, le meurtre. Elle fait de la prédestination une condamnation définitive. C. Debré n'hésite pas alors à prendre à témoin notre société, ses règles impitoyables, les lois, le jugement moral d'autrui, l'organisation judiciaire. Le jeu narrateur n'intervient jamais même lorsque sa profession d'avocate émerge, parce que son récit est bien celui d'une chronique judiciaire. Et le monde s'inverse, société et justice deviennent coupables en n'accordant aucune chance à la misère et aux mal-nés. Impartiale vraiment? L'humble, le fragile n'ont-ils aucune échappatoire ? La justice n'est-elle qu'injuste? Le questionnement sur le bien et le mal ne peut se limiter à cette vision purement manichéenne, l'espoir doit persister. Or le livre est sombre, sans la moindre lueur d'espoir, le moindre credo et c'est ainsi que l'on retrouve le personnage de l'écrivaine écorchée vive, en révolte perpétuelle contre tout système, quasi asociale et exsudant le mal-être. Son écriture toute en volutes, anaphorique sans ponctuation ou presque, ne cesse de prendre à témoin le lecteur, à le pousser à culpabiliser, jusqu'à conclure par les mots du condamné : "Je crois... que votre morale cache votre faute. Que votre droit cache votre crime". p. 121 À chaque lecteur, son verdict !
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couverture de : Zone grise
Danièle M le Mardi 07-01-2025
Voici bien un livre impossible à résumer si l'on veut en conserver sa substance, le vécu, le ressenti indélébile de Loulou Robert. Certains l'évoquent comme un coup de poing, d'autres comme un brûlot allant dans le sens des dénonciations féminines encouragées par le mouvement Me Too en 2006. Or elle s'en défendra car il concerne essentiellement "Actrices, chanteuses ..." p. 204 mais pas "Celles qui vivent de l'autre coté du périph....Parler coûte cher"p.205. En réalité il n'est qu'une longue et cruelle réflexion sur un viol subi en 2011 par un photographe de mode D. dans les pages, David Bellemère pour le citer, qui exerce glorieusement sur des plateaux du show-business à l'international, officie pour des grandes marques, et continue à être commissionné par de nombreux magazines. Loulou a 18 ans, elle est mannequin, elle est belle, elle part un we avec lui et son agent pour des shootings. La nudité, elle la vit facilement en famille. "Le problème c'est moi", dit-elle déjà. p.59. Il est très grand, il a une vingtaine d'années de plus, il est homme. "Je deviens celle que je n'aurais jamais pensé devenir. Femme" p.91 Et c'est alors le grand chamboulement dans sa tête, dans les battements de son cœur, dans la douleur physique, dans ses appels au secours : papa, maman!, dans la dissociation de sa personnalité, dans son "inexistence", "Car si j'existe, je ne survis pas", allant jusqu'au : "Je ne suis personne" p. 208 Et la sentence culpabilisante à jamais, tombe : "Je n'ai pas dit oui, je n'ai pas dit non". Avec une mise en page singulière et poétique, une suite d'anaphores, reproduisant le -je- narratif, le -tu- parfois pour sortir de soi, ou simplement une phrase nominale : "Décalage. Domination. Le vide. Le trou.". Ou verbale : "Soumets-toi, Tomber. Tu ne savais rien.", mais tellement signifiantes, Loulou écrira pour DIRE, pour se libérer, pour crier alors que certains lui reprocheront son écriture ou plutôt son "manque" d'écriture ! Or tout depuis des chapelets de mots touchant ses parents qu'elles aiment profondément, l'éducation reçue : "Ne pas les décevoir" . l'Art , car l'Art du beau "justifie tout, masque tout "p. 123, l'oubli, l'effacement, le regard sur les hommes :"Il n'a pas su résister", "Moi, je l'avais bien cherché", la zone grise, ce flou revendiqué par les prédateurs (les laconiques citations-témoignages d'hommes impliqués qui ponctuent chaque chap. glacent) , la plainte qui ne condamne pas : "Il n'y a pas de solution" p.203. Tout dans l'écrit la conforte : "À quoi bon parler si personne ne vous écoute" p.206 et son récit devient alors son "J'accuse", sa force, son exutoire aussi et elle continuera "parce qu'il n'y a pas de fin".
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couverture de : C'est maman qui a tué le Père Noël
Danièle M le Vendredi 03-01-2025
C'est une histoire essentiellement au féminin ! Quelques hommes sont cités (bien que vivants encore pour certains), comme des ombres derrière trois générations de femmes : Berthe l’octogénaire, Danièle la quinqua. et Alice, 27 ans. Elles se retrouveront pour fêter Noël. À la perception de ces trois tempéraments et à l'évocation de leur vécu, le lecteur peut dès le début faire une croix sur les mots fête et Noël ! Trois caractères bien trempés. L'une et l'autre plus ou moins rancunière, hypocrite et néanmoins frontale, de mauvaise foi, mais surtout sans filtre jusqu'à la vulgarité voire la violence verbale et physique ! Chacune ancrée dans son passé visiblement pas idyllique. Berthe dont la vie avec Arthur était rigide, sans émotions ni sentiments, pleure éternellement son feu époux en s'apitoyant surtout sur sa solitude. Danièle, sa fille, obnubilée par son poids et sa taille, adepte des réseaux sociaux et pourtant sans cesse vindicative contre Insoumise69, Domini et Quinquagénairesuntraviolents.com lorsque leurs avis ne correspondent pas à son attente et éternellement fauchée, n'hésitant jamais à solliciter financièrement sa mère. Alice, très jeune émancipée, ayant fait des études et dont la vie sentimentale semble chaotique, quasi indifférente. Et alors que cette soirée aurait dû les réconcilier dans leur solitude respective, tout y passe l'album photos, la Bible ou plutôt le terrible journal de la grand-mère, les reproches incessantes et toujours réitérés, les coups de griffes jusqu'à évoquer le syndrome de Stockholm pour ce puzzle familial. Le ton, l'écriture triviale, l'humour caustique souvent, sont à l'image du fond implacable, immuable jusqu'à la rosserie. La question qui se présente alors est : l'être humain est-il à ce point incapable d'indulgence, de sensibilité et de compassion au milieu de sa vie ? Peut-être est-ce la raison pour laquelle la note finale est curieusement laissée au témoin pensant et raisonnant de ce spectacle infernal : le chat !
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couverture de : Le Baptême des ténèbres
Danièle M le Mardi 17-12-2024
Le résumé qui précède n'offre qu'une infime nuance du thriller de G. Gilberti à la fois dans la forme et le fond. Ceux qui ont déjà lu cet auteur savent son pointillisme, sa méticulosité dans les détails, concernant les déviants les plus extrêmes de l'Hexagone (Paris, Poissy, Bagneux etc.), le terrorisme, certains groupuscules du Moyen Orient, les combats qui les animent jusqu'à la mort puisqu'ils n'ont d'idéal que la haine et le passage à l'acte horrifique. Et il faudra ici toute la détermination, la bravoure et l'héroïsme de Cécilia Sanchez, comportementaliste, spécialisée en criminologie, en interprétation du langage non verbal, pour entraîner le lecteur jusqu'à la dernière page. Elle poursuivra au risque de sa vie et hélas de plusieurs de ses collaborateurs, un sociopathe d'une barbarie difficilement soutenable sur ses jeunes et belles victimes, surnommé "le Ramoneur", en vertu de son mode opératoire extraordinairement impitoyable pour les achever. Preuve que l'homme n'épargne jamais son inventivité dans la fabrication du Mal ! Depuis une enfance déjà atypique et douloureuse où Ezéquiel est guidé par la voix de "la Bête", jusqu'à un âge mature, le Ramoneur ne cessera d’échafauder les plans les plus malfaisants, les plus pervers pour satisfaire sa soif de tortures, alimentée par une préparation physique personnelle exceptionnelle sous drogues diverses et amphétamines, dans un décor de "château à l'envers ", des Profondeurs que même Dante n'a pas su fantasmer dans sa Divine Comédie ! S'il est difficile de lâcher ce thriller pour la progression du récit et de l'investigation, le détail de certaines scènes ultra sensibles, incite le lecteur à tourner la page pour éviter de les visualiser et de les mémoriser. Que cela ne dissuade pas ! Les dernières pages du livre ouvrent déjà la voie au procès d'un autre prédateur démoniaque le Serpent ...
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couverture de : Alors c'est bien
Danièle M le Mercredi 26-02-2025
Curieux livre à la fois autobiographique, journal d'une mort annoncée, hommage, essai, de Clémentine Mélois qui s'empresse de raconter le décès de son père par le menu depuis la maladie déclarée jusqu'aux obsèques et surtout à leur préparation avec sa sœur Barbara et leur mère. Une couleur est choisie dès les premières lignes, pour peindre le cercueil. Mais parmi les 50 nuances de bleu, l'une d'elle dominera, précise, unique le bleu RAL 5002 ! Nous sommes loin de la trilogie fétiche de E.L. James de 2012, dans le fond erotico-masochiste et dans la forme. Ici l'amour filial, les souvenirs associés à l'enfance, l'admiration sans bornes pour un père extravagant, créatif et à l'imagination sans limites triomphent, offrant l'image toute simple et naturelle d'une famille heureuse. La question qui se pose dès le début est alors : peut-on rire de tout et faire du tragique une fête ? Et là, réside toute la saveur d'un récit presque feel good provoqué par les personnages. Bernard sculpteur fantaisiste et passionné, bricoleur, quasiment atteint du syndrome de Diogène dans la récupération d'objets , insolite et inventif dans sa production d’œuvres émaillées. Un créateur singulier et naïf d'une certaine façon, un peu de la veine d'un Hervé di Rosa ou de Combas dans la peinture et leur Mouvement de la Figuration libre. Une épouse Michèle, complètement impliquée et ses filles converties et inspirées par cette atmosphère chromatiquement joyeuse et ludique qui prend plaisir dans la simplicité. Clémentine en est l'héritière directe et son appartenance au Mouvement L'Oulipo, créé par Queneau dans les années 60, en fait la démonstration à chaque étape d'un éloignement douloureux et définitif, par sa joie de vivre et son humour. Le lecteur apprend les couleurs, les techniques, revisite les grands peintres classiques et les surréalistes, modèle lui aussi, touche à la poésie, à la maladie, à l'organisation qu'elle requiert jusqu'à la mort du -pharaon- et la conception d'une bière digne de la douce folie de son futur occupant. Le tout sur un air ininterrompu de Petite fleur ! "- Ah quelle vacherie, quand même ! J'aurais préféré vivre en bonne santé plutôt que de mourir en me sachant malade!" Cette exclamation de Bernard digne d'un Jacques de La Palice, donne le ton d'un texte jouissif et sensible, et qui met à égalité la mort et la vie lorsque celle-ci a été heureuse.
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couverture de : Lire "Lolita" à Téhéran
Danièle M le Lundi 13-01-2025
En 1987, Nafisi Azar enseignait la littérature à l'Université Allameh Tabatabai de Téhéran, la plus libérale d'Iran. Mais l'Histoire est là. Le Shah a été chassé depuis 1979 et ce pays sous dictature "impériale" et néanmoins pays laïc, va voir peu à peu s'amplifier le désir de révolution d'un peuple accablé socialement et économiquement pour sombrer sous le joug des ayatollahs, dont le mémorable Khomeny qui après 14 ans d'exil en France en particulier, va imposer progressivement son autorité et ses dictats religieux, sous la version radicale de Révolution islamique. Et la part de liberté pour une certaine classe sociale dont fait partie Azar, pour les femmes et l'accès aux études et au travail va régresser continuellement jusqu'à l'actualité toujours plus contraignante et impitoyable. L'écrivaine nous raconte alors son idée de réunir hebdomadairement chez elle, en privé, sept étudiantes Azin, Manna, Mashhid, Yassi, Nassrin, Mitra etc. pour lire et étudier dans le texte Nabokov, Spark, Fitzgerald, Woolf mais aussi ponctuellement Derrida, Barthes, Kundera. Toutefois le nouvel ordre politique obscur s'impose, bien que superficiellement à première vue, dans quelques proscriptions : - physiquement, se libérer d'un vêtement noir qui uniformise, emprisonne ces jeunes femmes et contraint leur corps, cet inconnu - l'accès à la littérature, donc au savoir, sans censure morale ni usage de son libre-arbitre - découvrir, si ce n'est déjà fait, la condition de soumission partielle au début et totale et irréfutable au fil des mois des femmes, au patriarcat islamiste. Pendant deux ans pour ces jeunes filles, la tyrannie du temps et des hommes s'estompera, l'espace d'un dialogue pour ne laisser place graduellement hélas qu'à la couleur des rêves, celle de la réalité sombrant dans le noir profond. L'après Bakhtiar, "le plus éclairé de tous les chefs de l'opposition", verra toute vie estudiantine muselée, jusqu'à disparaître avec la persécution et l'emprisonnement durant 10 ans pour Nassrin, qui "a eu de la chance", ou l'exécution de certains résistants. Avec la guerre contre l'Irak et la diabolisation de l'Amérique, fleuriront les citations du Guide suprême de la Révolution : "Que nous tuions ou que nous soyons tués, nous serons victorieux ! Islamisons nos universités ! Cette guerre est pour nous une bénédiction !" p. 238. C'est le glas pour toute vie intellectuelle...et féminine ! Avec les gardiens de la Révolution, la Police de la moralité qui tue pour une mèche de cheveux apparente, les Comités de soutien aux droits des hommes, toute apparence vestimentaire féminine non conforme, toute activité non dogmatique et donc anti-cultuelle devient encore aujourd'hui haram. Même l'Association des écrivains, invitée ici et là en Europe sera mise en garde sous peine de représailles. Ne reste plus alors pour s'exprimer que l'exil clandestin parfois, vers l'Europe, Londres pour Nassrin, au Canada pour Mitra, aux Etats-Unis, pour Azar, avec cette conclusion pathétique : "J'ai quitté l'Iran, mais l'Iran ne m'a jamais quittée" p. 417 Et voilà condensé en peu de mots tout de drame du déracinement "par désir tenace de vie, vers plus de liberté ou de bonheur", peut-être. Gageons que ce récit pourra ouvrir les yeux et pousser la réflexion de certains "négationnistes" du régime des mollahs et de leur sourde influence à travers le monde !
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couverture de : J'ai commencé par mourir
Marie-France M le Jeudi 23-01-2025
Roman alerte plein de rebondissements bien dans le style de l'auteur : précis, poétique, tendre, drôle bref on ne s'ennuie pas jusqu'à la dernière page. Les paysages écossais nous émerveillent, le charme des personnages nous intrigent sans laisser la place au prévisible.
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couverture de : Badjens
Danièle M le Vendredi 07-03-2025
Nous sommes là dans le reportage journalistique sur l'évolution ou bien plutôt l'involution du régime des mollahs en Iran, à Chiraz et Téhéran essentiellement. La référence est actuelle avec la révolte des jeunes filles confrontées aux diktats drastiques pris par le régime théocratique autoritaire de Ali Khamenei depuis 1989 et ses gardiens de la Révolution. Les iraniens ont connu une petite fenêtre ouverte sur plus de liberté avec Khatami en 1997, mais avec les élections suivantes de 2005 et les conservateurs au pouvoir, l'étau s'est à nouveau resserré sensiblement. La jeunesse s'est alors peu à peu dressée contre cette autorité grandissante et a osé revendiquer plus de liberté aussi bien sociales, politiques, cultuelles et culturelles face aux changements dans le monde. La femme avec son statut ancestral juridique et social totalement inférieur a commencé à unir ses semblables en pétitions et mouvements hors du contrôle de l’État pour plus de libertés : instruction, travail, laïcité et autres revendications de tous ordres : vie familiale, mariage, vêtements occidentaux etc. La jeune protagoniste Zahra Etemadi , surnommée Badjens, c'est-à-dire mauvais genre, nous fait vivre cette évolution périlleuse de ses 11 à 16 ans, soumise à la préférence absolue de son frère Medhi par le père acquis à la cause des institutions. Seule Mâmân, plus ouverte, saura la protéger dans la prise de risque. Consciente de tant d'injustices, Zahra se prendra au jeu de la rébellion jusqu'à dévoiler sa chevelure pour brûler son "maghnaé" en place publique :"Je ne pense qu'à ça. À déclencher l'étincelle "p.150. Et ce sont ces images qui passeront les frontières pour alimenter nos médias. Ce récit nous fait pénétrer dans son intimité : son adolescence, l'école avec l'inflexible Mme Jamchidi, ses premiers émois amoureux, ses amitiés Leyla etc., ses humeurs et surtout son obstination à s'ériger en égérie de cette lutte féministe. "Pour ne pas mourir, il faut assassiner le silence", p. 141 Si l'expression semble plus "légère" ou moins intellectuelle que celle de Azar Nafissi dans "Lire Lolita à Téhéran", la cause reste identique et profonde. Et ce n'est que le début d'une épopée encore à concrétiser. "Ils voulaient assassiner nos rêves. Nous sommes devenues leur pire cauchemar."
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