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Après Noir, voici Blanc . Expression d'une pensée binaire? Certainement pas de la part de Tesson. Récit, journal, essai ou les trois à la fois? - Le blanc- de la neige essentiellement, dans cette aventure alpine depuis le Mercantour jusqu'aux Alpes juliennes de Slovénie, l'hiver, sur 85 jours, avec en exergue de chaque chapitre, les détails du point de départ, du bivouac aérien ou dans un refuge, du dénivelé, de la t°. Et surtout les sentiments et les pensées de l'auteur parfois faillible devant la nature bien que toujours en extase et souvent inexpérimenté aux côtés de du Lac, sportif aguerri, puis d'un 3° larron, l'ingénieur Removille. Chacun différent par sa capacité à escalader, sa méthode et surtout sa motivation. La Géographie pour Tesson est immanquablement doublée d'Histoire. Histoire des temps donc chronologie : "Le monde est plus vieux que les récits des hommes"p.53 Histoire des religions avec leurs préceptes et leurs dogmes "Le Blanc, c'est Shiva, l'envers de Vishnou!" p.55, ou "Vous ne savez ni le jour ni l'heure" dit le Christ... p.56. Fresque littéraire où chaque pas, chaque rocher inspire à l'esprit de Tesson une référence à un écrivain ou un philosophe. Histoire souvent mâtinée d'humour comme expression de l'insatisfaction humaine perpétuelle : "L'alpiniste est un homme en fuite. Il brûle pour les sommets. Aussitôt parvenu il se jette dans la descente"p.66. Et enfin prétexte à regarder certes le paysage qu'il domine, mais surtout nos modes de vie orientés par la politique et l'économie consumériste qui se veut en même temps égalitaire et standardisante. Les 3 pages de sa nouvelle :Égalité- Égalité- Égalité (p. 198,9,200) en sont une illustration cocasse. En 2053 en effet, la Ministre de l’Égalité territoriale "arasera" toute altitude comme on aura voulu effacer toute inégalité sociale! De simple raid alpin, le livre nous ouvre l'univers mental de l'auteur. De matière, le blanc est devenu sujet de réflexion. "Rapportée au monde abstrait elle (cette substance) s'appelle l'universel. Sa traversée s'appelle un rêve."p.233 Quant à l'écriture de Tesson, elle n'a peut-être jamais été aussi ciselée, précise et imagée. Les mots choisis : vaporiser, plâtrer, moléculiser, vitalisme, intussusception, séclusion...son le miroir d'une culture remarquable et d'un travail de plume exceptionnel.

Le titre de ce court essai réflète-t-il vraiment son contenu? Ou n'est-il pas plutôt un condensé des lignes de cœur et de la pensée de Frégni? Bien sûr son enfance retorse, l'amour incommensurable d'une mère, le sort injuste d'un père, ses séjours personnels en prison, mais aussi ses expériences de 15 ans comme "pourvoyeur" de mots et d'écriture auprès d'une partie infime de la population carcérale à Avignon ou aux Baumettes, en sont le substrat néanmoins l'essentiel n'est-il pas dans ces quelques réflexions pénétrantes nées d'origines sociales désavantagées et qui lui ont procuré un regard lucide, perspicace, éclairé sur la vrai vie? La justice ou l'injustice, la naissance et l'épanouissement ou la déviance, les mots , le savoir ou la manipulation politique et sociétale, le bonheur simple et naturel ou la perversion par l'argent et la possession, la foi en l'homme ou la perplexité aujourd'hui. Tous ces thèmes humains qui perdurent et qui le font douter sont contenus dans cette quarantaine de pages, preuve s'il en est que la qualité ne découle pas automatiquement de la quantité si souvent vantée aujourd'hui. Une ode à l'amour également avec des citations de Siwertz ou de Camus : "Car il y a seulement de la malchance à n'être pas aimé: il y a du malheur à ne point aimer". Le devenir de notre école qui ne renvoie plus ou dans ses multiples ajustements pédagogiques ne sait plus renvoyer l'ascenseur social devant des vitrines débordant d'objets de consommation magnétiques : "L'échec scolaire n'est que la suite logique de l'échec social et affectif". C'est toujours en philosophe loin de tout dogmatisme, même s'il observe notre "élite médiatique suffisante...persuadée de sa légitimité,...qui nous explique avec de grands mots" comment sauver le monde, mais bien collé à une réalité que R. Frégni s'exprime , prenant son chat fidèle comme témoin! Les mots comme les phrases sont simples, frappés au coin du bon sens (que l'on reconnaît populaire) et pourtant tellement avisés. À mettre entre toutes les mains et surtout entre celles qui tournent peu les pages ou du moins pas celles de la réflexion personnelle et altruiste sur la vie unique et précieuse. Du Frégni en somme, à consommer sans modération!

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