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Sous la forme d'un conte, TBJ nous invite à partager une saga familiale marocaine. Celle d'Amir, quadragénaire fortuné de Fès, entouré d'une épouse officielle et de 4 enfants dont "un ange" , un "messager de Dieu", Karim. Prétexte ou exemple illustré, l'auteur se complait à nous initier à sa culture, racine atavique parfois amère, parfois ouverte sur le monde actuel. Ce mariage de plaisir, le Mariage de Mut'a, voué à Nabou, ravissante jeune peule d'origine sénégalaise, entraînera peu à peu en chaîne une suite d'événements propres aux us et coutumes cultuels de ce pays : union polygamique encouragée par la religion musulmane, l'amour fou, la blessure et la jalousie de Falla Fatma, l'épouse légitime, la naissance totalement improbable de jumeaux l'un de peau blanche, l'autre de peau noire, leur devenir inattendu. TBJ, au-delà de ses personnages, nous instruit sur l'histoire du Maroc et du Maghreb en général. Coup de griffes contre la France pour son protectorat, arguties sur les traditions exclusivement masculines, sens de la famille néanmoins, mais surtout allusions retentissantes au racisme. Il est là où l'Occident ne le voit pas, entre peuple maghrébin et subsaharien, avec un rappel fort sur l'esclavagisme noir pratiqué par le premier , depuis le VII° siècle, soit la traite arabo-musulmane. La soumission au "peuple" blanc marocain, le profond mépris de la couleur. Véritable apartheid pratiqué sans état d'âme. "Dieu avait créé l'humanité en blanc. Les Noirs étaient des erreurs de la Nature..." p.154. Et enfin l'évocation, à travers Salim, le petit-fils "naturel", des grands mouvements migratoires actuels de l'Afrique vers l'Occident. L'épopée souvent tragique de ces "harraga", ces pauvres hères "qui brûlent leurs papiers et tentent la traversée vers l'Europe" p. 250, par Ceuta par exemple, après avoir enrichi les passeurs avec leurs économies. Plutôt qu'un conte, malgré l'introduction et la conclusion, TBJ utilise une fois de plus son récit, pour soumettre à l'appréciation du lecteur son attachement viscéral à son pays d'origine avec ses richesses humaines, ses conventions dogmatiques qui parfois l'entravent et l'Histoire ancestrale.

Il s'agit de la confrontation en début d'année scolaire entre un nouvel enseignant et une classe de 4° collège. Julien bardé de sa passion pour la littérature et la poésie en particulier, ressent dès les premières instants au contact de cette classe une appréhension, une angoisse qui tournera en panique obsessionnelle, jusqu'à compter les heures de cours et les jours le séparant des vacances scolaires pour pouvoir dénouer ce magma mental qui l'accable. Cette classe deviendra vite ingérable essentiellement à cause, entre autres, d'un élève Max insolent et frontal. En fait Max a l'assurance que lui , ne réussit pas à trouver alors qu'il est l'adulte et le sachant. Max, en leader, entraîne nécessairement avec lui ceux qui n'osent pas vraiment, pour railler et ridiculiser l'enseignant. Si l'on se réfère au passé professionnel de Marion Brunet, on comprend immédiatement son contact concret avec les jeunes, leur spontanéité à jauger l'adulte face à eux et à trouver sa faille. Julien a embrassé cette carrière par idéalisme et amour de la littérature sans imaginer la cruauté du public et surtout le non-soutien voire la lâcheté des collègues, du Principal et la virulence totalement subjective des parents. Sans parler de la rumeur et des réseaux sociaux! Cette passion devait suffire à assurer la transmission. Pas un instant, il n'avait envisagé l'affirmation immédiate de soi et la fermeté. Chaque page du récit exprime la douleur de Julien. Même sa vie personnelle en est ternie, car elle le renvoie à un manque de personnalité jusqu'à l'humiliation. Seule lumière parmi ces hyènes, selon le titre signifiant du récit "Des rires de hyènes", évoquant le cri singulier de ce mammifère carnivore pour protéger son repas, Aïda, l'élève idéale qui écoute, apprend, intervient discrètement, subit les moqueries et plus . Son rôle sera néanmoins capital pour Julien. La fin du récit interroge toutefois sur les leçons à tirer et la morale à en extraire.

La quatrième de couverture qui reprend ci-dessus le fil de l'histoire contée par Marc Dugain résume parfaitement le croisement de deux récits, l'un personnel au protagoniste , celle de la mort suspecte de ses parents successivement en 67 et 68 et une partie de la saga des Kennedy avec l'assassinat de John et "l'héritage" obligé de Bob pour poursuivre l’œuvre politique de son frère. Les deux s'entremêleront d'abord pour donner du souffle à l'Histoire du clan démocrate américano-irlandais mais aussi pour évoquer l'histoire française durant la Résistance en particulier à Bordeaux avec le rôle obscur et la fuite du père. Et le lecteur plongé dans un imbroglio humain confronté au pouvoir politique qui fascine, détourne , transforme , déshonore devra démêler l'écheveau inextricable de ces périodes historiques encore obscures. L'écrivain dénonce à charge dans les deux cas. La compromission entre pouvoir politique et lutte acharnée contre le communisme, la guerre au Vietnam, l'épisode de la Baie des cochons, la puissante Mafia, la force secrète de la CIA, les concurrents à la Présidence implacables et vénaux, y est clairement et nommément développée. Alors la quête de vérité concernant sa famille ne serait-elle pas un prétexte pour affirmer ses propres thèses ? Ce que le lecteur retiendra essentiellement c'est la biographie peu honorable des Kennedy, et au-delà de la malédiction qui les poursuit, sa démythification absolue. Jusqu'où Dugain met-il le curseur entre enquête objective, factuelle et fiction? Le saura-t-on assurément un jour?

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