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À priori, récit de la vie d'un jeune couple Maxime et Lilas qui concrétisera avec une petite Zélie. Le -je-narrateur, Lilas, alterne chapitres allant de juin 2015 à octobre 2023 ou plutôt de la période antérieure à leur mariage (rencontre, liens familiaux, relations mère-père, projets) jusqu'aux chapitres évoquant leur mariage et les événements du vécu actuel. On pourrait , en effet, tout d'abord classer ce récit parmi les épisodes anodins d'une rencontre banale entre un homme et une femme, avec leur bagages de vie, pour le faire dériver ensuite, comme fait, nommé euphémiquement et quotidiennement dans les médias , "fait divers". Si la réponse au titre est difficile à donner, la citation de G. de Maupassant, d'avant prologue pourrait résumer le contenu du livre. Ambiguïté abyssale de la nature humaine. Qui est-on réellement, qui est l'autre, comment chacun peut-il sombrer dans la transgression abjecte, inqualifiable? Amélie Antoine, dans la progression de son écriture, a-t-elle imaginé, anticipé et mesuré les réactions de ses lecteurs, leur parti pris, leurs doutes, leur stupéfaction, leur torpeur? Ce roman noir est déstabilisant car contre-nature, dérageant pour les "crédules" que nous sommes en majorité ou du moins qui avons foi en l'homme, révoltant jusqu'à la répulsion et pourtant tellement vrai puisque observable... parfois. Amélie Antoine cultive parfaitement à travers sa plume, la progression des faits, son aller-retour dans le temps permet au lecteur de mieux comprendre, laissant le soin subrepticement à chacun de percevoir le cheminement de cette famille et le dénouement.

Sous la forme d'un conte, TBJ nous invite à partager une saga familiale marocaine. Celle d'Amir, quadragénaire fortuné de Fès, entouré d'une épouse officielle et de 4 enfants dont "un ange" , un "messager de Dieu", Karim. Prétexte ou exemple illustré, l'auteur se complait à nous initier à sa culture, racine atavique parfois amère, parfois ouverte sur le monde actuel. Ce mariage de plaisir, le Mariage de Mut'a, voué à Nabou, ravissante jeune peule d'origine sénégalaise, entraînera peu à peu en chaîne une suite d'événements propres aux us et coutumes cultuels de ce pays : union polygamique encouragée par la religion musulmane, l'amour fou, la blessure et la jalousie de Falla Fatma, l'épouse légitime, la naissance totalement improbable de jumeaux l'un de peau blanche, l'autre de peau noire, leur devenir inattendu. TBJ, au-delà de ses personnages, nous instruit sur l'histoire du Maroc et du Maghreb en général. Coup de griffes contre la France pour son protectorat, arguties sur les traditions exclusivement masculines, sens de la famille néanmoins, mais surtout allusions retentissantes au racisme. Il est là où l'Occident ne le voit pas, entre peuple maghrébin et subsaharien, avec un rappel fort sur l'esclavagisme noir pratiqué par le premier , depuis le VII° siècle, soit la traite arabo-musulmane. La soumission au "peuple" blanc marocain, le profond mépris de la couleur. Véritable apartheid pratiqué sans état d'âme. "Dieu avait créé l'humanité en blanc. Les Noirs étaient des erreurs de la Nature..." p.154. Et enfin l'évocation, à travers Salim, le petit-fils "naturel", des grands mouvements migratoires actuels de l'Afrique vers l'Occident. L'épopée souvent tragique de ces "harraga", ces pauvres hères "qui brûlent leurs papiers et tentent la traversée vers l'Europe" p. 250, par Ceuta par exemple, après avoir enrichi les passeurs avec leurs économies. Plutôt qu'un conte, malgré l'introduction et la conclusion, TBJ utilise une fois de plus son récit, pour soumettre à l'appréciation du lecteur son attachement viscéral à son pays d'origine avec ses richesses humaines, ses conventions dogmatiques qui parfois l'entravent et l'Histoire ancestrale.

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